ST Reha n’est-il vraiment que le petit frère de DRG et TARPSY ? Ou rompt-il la chaîne des soins ? Pour connaître la réponse, nous devrons bon gré mal gré le mettre à l’épreuve … et nous avec !
Le 12 mars, le Conseil d’administration de SwissDRG a approuvé la version d’introduction 1.0 de ST Reha. La voie pour l’approbation par le Conseil fédéral est donc libre, de sorte que le nouveau système de facturation puisse être introduit au 1.1.2022, avec exactement 10 ans de retard sur son « grand frère » DRG.
Mais au contraire du « grand frère » DRG ou de la « grande sœur » TARPSY, le développement tarifaire du ST Reha – bien que long, difficile et parfois aussi assez erratique – s’est déroulé en grande partie sous les radars de l’agitation publique. Ça a sans doute été favorisé par le fait que la réadaptation est un petit poisson dans le grand bassin des soins de santé, représentant un peu moins de 5% des dépenses totales. Qui plus est, le marché de la réhabilitation est un champ clos, institutionnellement insularisé, empreint de tradition et bien protégé, qui fonctionne selon ses propres normes et règles et suscite peu de méfiance politique.
Jusqu’à présent. Parce que la nervosité monte. A juste titre ?
Le nouveau système tarifaire va faire bouger un certain nombre de choses, car il va harmoniser les différents systèmes de facturation pour l’ensemble de la Suisse. C’est fondamentalement positif. La prolifération helvétique sauvage avec une centaine d’établissements divers cessera enfin (le nombre est une « guestimate » personnelle, le « rehab-counting » a ses pièges), les exigences actuellement encore très divergentes seront enfin alignées, des comparaisons nationales de prix et de qualité pourront enfin être effectuées. Ergo : professionnalisation, efficacité accrue, concentration et raccourcissement des processus de traitement. Entièrement dans l’esprit de ses grands frère et sœur DRG et TARPSY.
« L’esprit des DRG », qui donc fait désormais son chemin dans le secteur de la réadaptation, entraîne dans son sillage non seulement les conséquences espérées habituelles, mais aussi les mêmes craintes : une approche unique, la mort des petits services et des services de niche, le manque de personnel, et les « sorties sanglantes », c’est-à-dire les réhospitalisations.
Mais alors que l’échelle des drames dans les hôpitaux de soins aigus est généralement alignée selon « ville contre campagne » ou « grand contre petit », l’échelle dans le secteur de la réadaptation montre un net clivage est-ouest : si à l’est de la Sarine on entend plutôt « Olé ! », à l’ouest on entend unanimement « Houlà ! ».
La principale plainte est le confinement rigide du processus de réhabilitation dans des groupes de prestations méticuleusement définis. Bien qu’un consensus informel sur huit types différents de réadaptation ait émergé dans toute la Suisse (ne serait-ce que pour expliquer aux patients quels maux ils traitent dans quelle institution), leur lien avec les « espèces sonnantes et trébuchantes » est une source d’épouvante en Suisse occidentale, où la réadaptation est souvent comprise comme un prolongement du secteur aigu.
Bien sûr, il y a plus que l’objection profane selon laquelle les différents besoins de traitement individuels ne peuvent pas être satisfaits par une seule base tarifaire et que le relèvement des exigences évince les services intégrés à bas seuil. La critique est plutôt fondée sur un malaise plus profond : la compréhension de base de ce qu’est la réhabilitation et de ce qu’elle n’est pas.
Classiquement, la réadaptation est ce qui se passe après un accident ou une maladie grave : le système de traitement médical aigu a fait son office, mais le patient a encore besoin de temps pour se rétablir, pour récupérer, pour être à nouveau apte à la vie quotidienne. En principe, il en est toujours encore ainsi, mais le nombre de personnes qui ne récupèrent plus complètement, qui ne reviennent plus vraiment « en forme » et ne sont en fait simplement plus aptes au marché du travail – personnes fragiles, âgées, polypathologiques – augmente. En même temps, le fossé se creuse entre cette réadaptation classique et la « turbo-récupération », qui offre le plus grand apport technique et thérapeutique possible, c’est-à-dire une réadaptation de plus en plus spécialisée qui n’a plus rien à voir avec « retaper les patients ». ST Reha est destiné au premier, favorisant la professionnalisation, la rationalisation et la concentration. Pour le dernier, en revanche, il n’a pas grand’chose à offrir.
Mais que faire alors des patients dont le traitement aigu en milieu hospitalier est terminé (en d’autres termes : « dont le DRG est épuisé »), mais qui ne sont pas encore en mesure de retourner dans leur milieu de vie traditionnel ? Qui ne peuvent pas être « remis en forme » à domicile ou dans une maison de convalescence ? Ou ceux qui décompensent dans leur milieu de vie et doivent être « récupérés » ? L’hôpital de soins aigus n’est pas le bon endroit pour cela. Et la rééducation gériatrique ? Avec ses exigences de performance très explicites ? Peut-être pas non plus.
A partir de 2022 au plus tard, la recherche d’« offres passerelles » entre le secteur aigu qui se délimite toujours plus précisément et le secteur de la réadaptation qui se densifie, sera frénétique. La réadaptation précoce n’en est encore qu’à ses débuts en termes de définition, et les spécialistes correspondants font défaut. Et la question des offres de suivi adéquates reste pour l’instant sans réponse.
On met en avant les EMS. Mais sont-elles le bon endroit pour la « récupération » ? Leurs effectifs ne sont pas adaptés à ce type de service et les clients ont généralement un faible niveau de besoins, ce qui nuit au financement. En outre, on peut se demander si les personnes concernées sont prêtes à contribuer de leur propre poche au coût de leur séjour selon le tarif de telles maisons – alors que l’hôpital et la réadaptation sont totalement financés 45/55 par la caisse maladie et le canton de résidence. Ce dernier point s’applique également aux « hôtels de soins », comme celui du CHUV de Lausanne : qui est prêt à les financer si des économies doivent être réalisées partout ? Le CHUV, avec sa pléthore de services et sa proximité floue avec les finances étatiques, ne peut guère servir ici d’exemple.
Il reste les cures, le secteur traditionnel de la « réhabilitation », mais c’est là le domaine de la LCA – l’un de ses derniers bastions incontestés. Pas de chance donc pour tous ceux et celles qui n’ont pas d’assurance complémentaire, en d’autres termes, pour la grande majorité de la population. Cela ne peut donc pas non plus être une solution.
Dans le canton de Berne, il y avait autrefois le projet dit de « Suivi post-hospitalier ». Il a été catapulté sur l’orbite des intentions reportées.
Les tarifs des diverses branches, tels que DRG, TARPSY et – à partir de l’année prochaine – également ST Reha, sont adaptés à chaque domaine spécifique. On peut aimer cela ou pas, mais cela manque la cible au plan systémique. Les personnes souffrant de problèmes de santé multiples ne sont pas aidées si nous les poussons d’une institution à l’autre, car les réglementations tarifaires entre les différents cadres agissent comme des barrières minées.
Certes, je sais bien qu’il ne faudrait pas ajouter un nouveau petit cube au « Rubik’s Cube » des soins de santé, dans lequel chaque élément a son propre financement, ses propres professions, ses propres règles (et le tout 26 fois). Justement, peut-être devrions-nous réduire, et non en rajouter. Chercher et trouver des formes de financement qui dépassent les divers secteurs.
Pour cela, il faudrait gagner les assureurs-maladie comme partenaires, car on ne peut pas compter sur les cantons seuls. Jusqu’à présent, cependant, les compagnies d’assurance ne se sont pas montrées particulièrement innovantes. Elles agissent plutôt comme des « chiens de garde » des coûts – grognant et grinçant des dents dans le domaine de l’AOS, remuant la queue et pleurnichant dans le domaine de la LCA … et brandissant la massue de la garantie de paiment dans le domaine de la réhabilitation !
La demande de formes de soins post-aigus avec des besoins temporels et matériels différenciés va augmenter, sans compter le Long-COVID. Nous verrons comment le système de soins de santé réagira.
Le Crépuscule des dieux commence le 1/1/22.
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